Ce n’est pas tendance

Historique

Ma-dame est un terme du Moyen-Age, et correspond à Mon-sieur, Monseigneur ou Messire, termes équivalents apparus à différentes époques mais de même étymologie.

Ma-demoiselle vient du bas-latin « dominicella », diminutif de « domina » (maîtresse de maison, qui a donné « dame »). « Mademoiselle » est ainsi un diminutif de « Madame », ce qui revient à dire « Madamette ». Jusqu’au XVIIIe siècle, la distinction entre « Madame » et Mademoiselle » n’est pas le mariage mais le statut social, « Madame » étant une femme de la haute noblesse, titrée et « Mademoiselle » étant une femme de la petite noblesse, non titrée (mariées ou non). À partir du XVIIIe siècle, le terme « demoiselle » est associé au statut marital, désignant la femme comme vierge et « à marier ». L’équivalent mon-damoiseau est tombé en désuétude.

Le code Napoléon de 1804 prévoit que les femmes ne s’émancipent plus par le mariage et demeurent « mineures » à vie, privées de droits civils comme les enfants. Elles passent de la tutelle de leur père (demoiselle) à celle de leur mari (dame). Depuis 1938 et l’abrogation du Code Napoléon, toute femme, à sa majorité, devrait être nommée « dame » et non plus « demoiselle ».

Et ailleurs ?

La distinction madame/mademoiselle n’existe pas ou bien est tombée en désuétude dans beaucoup de pays (Etats-Unis, Allemagne, Portugal, Danemark…). Au Québec, ce terme témoigne d’une pensée si archaïque qu’appeler une femme « mademoiselle » est très très mal perçu.

Le « Mademoiselle » des actrices

Certaines actrices se font appeler « mademoiselle ». Au-delà d’une appellation jugée plus flatteuse, il s’agit en fait d’une tradition qui remonte au XVIIe siècle. Les actrices n’avaient pas le droit de se marier religieusement – le mariage civil n’existait pas – car l’Eglise excommuniait les actrices, jugeant ce métier de « mauvaise vie ».

Le nom de naissance

La loi du 6 fructidor an II (23 août 1794), toujours en vigueur, dispose qu’ « aucun citoyen ne pourra porter de nom  ou de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance ». Le seul nom reconnu officiellement pour les femmes comme pour les hommes est donc le nom attribué à la naissance. Les documents d’identité, les actes officiels ainsi que les dossiers administratifs doivent donc être établis à ce nom. On a longtemps parlé de « patronyme », puisqu’il s’agissait du nom transmis par le père, mais on parle aujourd’hui de « nom de famille », puisque les parents peuvent choisir de transmettre le nom du père, le nom de la mère, ou les deux noms accolés, et dans l’ordre de leur choix.

Le nom d’usage

Chaque conjoint dans le cadre du mariage peut prendre le nom de son époux, mais il s’agit d’un nom d’usage. Aujourd’hui, un homme marié peut également prendre le nom de son épouse en nom d’usage, mais on ne parle pas pour autant dans le langage ou dans les formulaires administratifs de « nom de jeune homme ». Il n’y a donc aucune raison d’appeler le nom de naissance d’une femme « nom de jeune fille », puisque il s’agit non pas d’un nom temporaire, qu’elle porterait pendant sa jeunesse, jusqu’au mariage,  mais de son seul véritable nom. 

Une circulaire du Premier ministre du 4 novembre 1987 « relative à la mise en oeuvre des dispositions applicables au nom d’usage » prévoit d’ailleurs la substitution de la rubrique « nom d’époux » par une rubrique « nom d’usage ».

 

Madame/Mademoiselle en quelques dates

1967 : Circulaire FP n° 900 du 22 septembre 1967 : les mères célibataires peuvent se faire appeler Madame.

1970 : Circulaire du 29 septembre 1970 relative à la suppression des mentions « Madame veuve X » et « Madame Y épouse divorcée de Z »: élimination de toutes mentions susceptibles d’être discriminatoires ou indiscrètes.

1972 : Décision du garde des sceaux autorisant explicitement toute femme de plus de vingt et un an, mariée ou non, à être appelée « madame ».

1974 : Circulaire FP n° 1172 du 3 décembre 1974 relative à la suppression des mentions telles que « Veuve X », « Épouse divorcée Y », « Mademoiselle A », dans les correspondances administratives adressées aux femmes.

1983 : Question écrite au Sénat n°5128 du 3 mars 1983 établissant le statut des appellations des femmes : aucun texte juridique ne codifie les appellations « madame » et « mademoiselle » et l’existence de deux termes pour désigner les femmes par leur statut matrimonial constitue une discrimination sexiste. Il incombe aux intéressées de choisir leur civilité. Aucun texte ne prévoit non plus que le mariage emporte changement de nom des époux. L’apposition des mentions « épouse », « divorcée » ou « veuve », suivie du nom du conjoint est contraire à la loi.

1986 : Circulaire du 26 juin 1986 : l’homme marié peut avoir le droit d’user du nom de sa conjointe par adjonction à son patronyme. En revanche la substitution n’est pas autorisée (alors qu’elle est tolérée, même si elle est illégale, pour la femme mariée).

2005 : Question écrite au Sénat du 3 novembre 2005 : demande réitérée de retirer la mention à la distinction « Madame », « Mademoiselle », « Monsieur » dans les documents et formulaires officiels, dans la mesure où la mention du sexe apparaît suffisante et que ces civilités ne relèvent pas de l’état civil.

2006: Question écrite au Sénat n°24509, sur la persistance dans les documents et logiciels administratifs d’une appellation différenciée pour les femmes, discriminatoire en ce qu’elle opère une distinction de statut pour les femmes en fonction de l’organisation de leur vie privée, ce qui n’est pas le cas pour les hommes qui sont nommés d’un nom générique « monsieur » indépendamment de leur vie privée. Confirmation du garde des sceaux que ces appellations discriminatoires ne reposent sur aucune disposition législative ou réglementaire. Ne constituant pas un élément de l’état civil, elles ne peuvent être imposées.

 

2011 : Question écrite au Sénat, n°19749 du 4 août 2011: le sujet a été maintes fois évoqué au cours des trente dernières années, et cette discrimination a été condamnée dans pas moins trois circulaires ministérielles (circulaires FP 900 de 1967, FP 1172 de 1974, circulaire CNAF n° 1028 – 410 de 1978).Il faut mettre un terme à ce débat et à une situation discriminatoire.