Ce n’est pas flatteur

Une distinction bien anodine en apparence

La distinction madame / mademoiselle parait en apparence bien anodine. On va encore dire que les féministes chipotent…Et bien non ! Le diable se cache toujours dans les détails, et l’usage de la civilité « Mademoiselle » n’est rien de moins qu’une marque de sexisme. Un sexisme diffus, accepté. Un sexisme ordinaire. Malheureusement parfois même revendiqué…

Certaines femmes apprécient en effet de se faire appeler « mademoiselle » : c’est flatteur, ça renvoie l’image de la jeune femme jolie, fraiche, séduisante, et d’aucunes apprécient ce qu’elles considèrent comme une marque de politesse et de galanterie de la part de leur interlocuteur.

Qu’y a t-il de poli en vérité à nous montrer qu’on connaît tout de notre vie privée et à nous laisser entendre qu’on est à moitié finie parce qu’on a pas de mari et qu’on ne bénéficie pas ainsi de vrai statut dans la société?! Parce que c’est bien de cela dont il est question, dans le fond : le statut des femmes dans la société.

…mais discriminatoire et sexiste

La double appellation « madame » / « mademoiselle » est une civilité différenciée – car elle est uniquement utilisée pour les femmes, et liée au fait d’être mariée ou non.

Appelons un chat, un chat, une inégalité, une inégalité. Les hommes, eux, sont appelés « monsieur » toute leur vie, sans distinction et quel que soit leur statut marital, qui n’interfère en rien sur leur vie professionnelle ou sociale. Il n’existe pas de pendant masculin pour « mademoiselle », pas de « damoiseau » dans notre société.

Dans notre société, c’est le fait de se marier qui permet à une femme de se faire appeler « Madame ». Autant dire qu’il s’agit là d’un signe de supériorité, d’un gage de respectabilité. Une femme non mariée ne serait pas « complète », pas « finie », pas accomplie. Mais plutôt dans l’attente du bonheur infini et de l’accomplissement suprême : trouver un mari. Il semble bien que seul le mariage, et donc le mari, puisse conférer la véritable légitimité sociale.

Relevons au passage le paradoxe : être appelée « mademoiselle » rassure sur le fait d’être soit jeune et jolie, alors qu’être appelé « madame » ferait se sentir vieille et moche… Cela en dit long sur la représentation du mariage….

Une civilité intrusive et condescendante

Et puis, en quoi est-il indispensable que le fait d’être mariée ou pas soit une information rendue publique et connue de tous ?  Le terme « demoiselle » vient du Moyen-Age et signifie jeune fille noble, puis a partir du XVIIIème siècle jeune fille vierge, non mariée. Faudrait-il informer le moindre homme qui se trouverait dans un rayon de 10 kilomètres a la ronde de ce qu’on est une « demoiselle », peut-être plus vierge certes, mais du moins célibataire, disponible, en un mot « draguable »? Alors à vos clignotants ! En revanche, pas de possibilité de repérer les hommes célibataires…

Et puis,  c’est tout de même difficile de gagner en crédibilité dans notre vie professionnelle, quand on est appelée  « mademoiselle ». Bizarrement, on appelle systématiquement une femme « madame » quand elle est plutôt en responsabilités. Et mademoiselle, est plutôt attribuée aux « jeunes premières » ou moins expérimentées dans son domaine et revêt un caractère souvent condescendant.

Et le pire, c’est que cela n’a rien d’obligatoire !

Enfin, l’obligation pour les femmes d’utiliser la civilité « madame » ou « mademoiselle » selon qu’elles sont mariées ou non n’a jamais été inscrite dans le marbre de la loi !  L’usage est très ancré dans les mœurs mais n’est pas obligatoire. Il n’est fondé sur aucun texte législatif, et une femme, quel que soit son âge ou son statut – mariée, célibataire, avec ou sans enfant, peut, de son plein droit, se faire appeler « madame ».

Par ailleurs, l’exigence de préciser la civilité dans les relations avec les administrations ou les entreprises na pas d’utilité particulière. Le statut marital n’a bien souvent que peu d’importance pour le service demandé. Prenez l’exemple d’une réservation de train ou d’un abonnement internet… quant aux services des impôts ou de la sécurité sociale, la question du statut marital est de toute façon posée dans les formulaires, puisqu’il est rattaché à des droits en cas de mariage, de pacs, de concubinage, d’union libre, etc.

Si l’on veut résumer, la civilité Mademoiselle perpétue la domination masculine : une femme est ainsi désignée dans sa valeur d’objet, objet « sexuel » ou « ventre porteur », obligatoirement en attente d’un homme pour « accéder à la vraie vie ».

D’où l’importance d’être appelée et de se faire appeler « madame ». Ca ne fait pas de toute femme une femme mariée, une femme vieille ou moche, dont la vie serait toute tracée ou pour l’essentiel derrière elle. C’est pour toute femme l’occasion d’affirmer sa liberté. Tout simplement…